1 Une participation électorale totalement atypique, mais qui renforce les tendances à l’oeuvre depuis quinze ans
La séquence 2017 présente un profil totalement paradoxal : une participation plutôt forte lors de l’élection présidentielle suivi d’un effondrement de la participation lors des législatives, couplée pour les deux élections à des manifestations à un haut niveau du vote non-exprimé lié aux bulletins blancs et nuls.
L’élection présidentielle : plutôt un taux élevé de participation
Durant toute la campagne, le niveau d’intérêt pour l’élection mesuré par les sondages d’opinion a été élevé, autour de 80% d’intérêt déclaré. La présidentielle 2017 connaît un taux plutôt élevé de participation, en particulier si l’on considère la perturbation des repères traditionnels (gauche/droite ; sortant/opposition ; ancien/nouveau).
Election présidentielle |
Niveau d’intérêt |
Participation 1er tour |
1981 |
65,00% |
81,00% |
1988 |
70,00% |
81,00% |
1995 |
62,00% |
78,00% |
2002 |
69,00% |
72,00% |
2007 |
81,00% |
84,00% |
2012 |
63,00% |
79,50% |
2017 |
80,00% |
78,00% |
Mesure du niveau d’intérêt : source l’Enquête électorale du Cevipof
Les élections législatives : la poursuite et l’accélération de la tendance à la baisse de la participation
Depuis trente ans, les élections législatives sont l’occasion de mouvements très contrastés de participation électorale. Plus spécifiquement, les législatives suivant des élections présidentielles (ce qui est le cas systématiquement depuis 2002) présentent toujours des taux faibles de participation.
Mais les élections 2017 présentent une accélération de la baisse tendancielle de la participation aux législatives depuis quinze ans. Entre 1997 et 2012, la baisse était d’environ -4 points à chaque élection. En 2017, la baisse est de 8 points au premier tour et de 12 points au second ! Du jamais vu !
Elections législatives |
Participation 1er tour |
Participation 2nd tour |
1981 |
70,00% |
75,00% |
1988 |
66,00% |
70,00% |
1993 |
69,00% |
67,00% |
1997 |
68,00% |
71,00% |
2002 |
64,50% |
60,00% |
2007 |
60,50% |
60,00% |
2012 |
57,00% |
55,50% |
2017 |
49,00% |
43,00% |
Si l’on ajoute le fait que le recours au vote blanc ou nul a été particulièrement fort en 2017, le tableau d’une chute considérable de la participation électorale et la hausse de l’expression du non-choix fait de cette séquence 2017 une édition inédite de l’histoire électorale française.
Elections législatives |
Blancs et Nuls 1er tour |
Blancs et Nuls 2nd tour |
1993 |
3,65% |
6,43% |
1997 |
3,30% |
4,50% |
2002 |
1,40% |
2,60% |
2007 |
1,10% |
2,00% |
2012 |
0,90% |
2,10% |
2017 |
1,10% |
4,20% |
En % des ins crits
On peut noter que la différence entre le taux élevé de votes blancs et nuls des années 1993/1997 avec 2017 est l’écart considérable entre premier et second tour. En 1993 et 1997, une partie significative de l’électorat, dans un contexte de taux de participation relativement élevé, avait décidé de voter sans s’exprimer au premier ET au second tour. En 2017, alors que le vote blanc et nul est faible au premier tour, il s’envole au second, tandis que la participation s’effondre. Cela signifie que des électeurs qui se sont déplacés au premier tour ont choisi de revenir aux urnes au second tour, mais pour faire cette fois un choix non exprimé. Ce comportement électoral fait écho à la présidentielle du mois précédent, puisque là aussi, le vote blanc et nul est passé de 2% des inscrits à 8,5%, record pour une présidentielle.
2 Le Front national : un échec à relativiser
L’avis général concernant le FN aux élections 2017 est de considérer que l’extrême droite a échoué. Il est vrai que les 35% obtenus au second tour de la présidentielle et les 8 députés élus aux législatives paraissent maigres par rapport aux scénarios même médians des experts durant toute la campagne électorale.
Pour autant, il faut relativiser l’échec.
Avec 7,7 millions de voix au premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen pulvérise le record de suffrages obtenus par son parti lors des régionales 2015 (6,8 millions de voix au second tour). Le 6 mai, avec 10,6 millions de suffrages, Marine Le Pen est certes battue largement, mais un nouveau record est établi, en valeur absolue comme en pourcentage des électeurs inscrits (22,6%).
De même, les 13% des législatives, score identique à celui de 2012, sont un échec après cinq années de progressions électorales à chaque élection. Mais le FN arrive à faire élire 8 députés, contre 2 cinq ans plus tôt. D’autre part, le parti d’extrême droite a malgré un résultat national identique une progression structurelle de 2012 à 2017.
FN : score obtenu et nombre de circonscriptions |
|||||||
Premier tour législatives 2012 |
Premier tour législatives 2017 |
||||||
10 à 20% |
20 à 30% |
30 à 40% |
Plus de 40% |
10 à 20% |
20 à 30% |
30 à 40% |
Plus de 40% |
317 |
75 |
2 |
1 |
256 |
91 |
9 |
1 |
Le nombre de circonscriptions où le FN passe la barre des 20% des voix augmente fortement, de 78 à 101 circonscriptions. Résultat, il se retrouve présent au second tour dans 119 circonscriptions.
Les résultats de second tour sont eux aussi en progression, passant de 31% des exprimés en moyenne en 2012 à 40,5% en 2017.
3 Emmanuel Macron et LREM : « ni de gauche, ni de droite », mais plutôt élus par la gauche et le centre
S’il est évidemment impossible de dresser le portrait type des électeurs de La République en Marche, tant la sociologie politique des électorats a considérablement transgressé les lignes en 2017, plusieurs indices laissent à penser que c’est avant tout des électeurs issus de la gauche qui ont permis la large majorité du Président de la République.
Tableau : qu’avaient votées en 2012 les électeurs des circonscriptions remportées par les différentes formations en 2017 ?
Couleur politique en 2017 |
Vote des circonscriptions au second tour de la présidentielle 2012 |
|
Hollande majoritaire |
Sarkozy majoritaire |
|
France Insoumise /PCF |
27 |
0 |
Gauche et divers gauche |
29 |
3 |
LREM |
210 (61,5%) |
131 (38,5%) |
Droite et UDI |
39 |
88 |
FN |
4 |
4 |
Les lignes ont bougé
Sur 100 électeurs du PS en 2012, la moitié d’entre eux a choisi en 2017 un candidat de la majorité présidentielle. Seuls 27% des électeurs UMP de 2012 ont fait de même cette année. (source : sondage jour du vote Ipsos) Cette agglomération d’électeurs lui a permis de sortir en tête au premier tour, et de bénéficier d’une majorité forte à l’Assemblée Nationale. Avec 341 élus en métropole, La République en Marche bénéficie d’une majorité large, mais avec une assise faible.
Dans le contexte général de démobilisation d’entre deux tours, REM n’élargit qu’à la marge son électorat
Type de duel au 2nd tour |
1er tour législatives |
2ème tour législatives |
Progression d’un tour à l’autre |
||||
% inscrits |
% exprimés |
% inscrits |
% exprimés |
% inscrits |
% exprimés |
||
Duels LREM/LR |
LREM |
18 |
45,3 |
21 |
52,7 |
3 |
7,4 |
LR |
11,7 |
29,4 |
18,8 |
47,3 |
6,1 |
17,9 |
|
Duels LREM/PS |
LREM |
17,1 |
33,3 |
20,5 |
51,7 |
3,4 |
18,4 |
PS |
9,7 |
19 |
19,5 |
49,1 |
9,8 |
30,1 |
|
Duels LREM/FI |
LREM |
16,7 |
35,5 |
20,9 |
53,4 |
4,2 |
17,9 |
FI |
10,2 |
21,1 |
18,2 |
46,6 |
8 |
25,5 |
|
Duels LREM/FN |
LREM |
14,4 |
30,8 |
22,5 |
58,9 |
8,1 |
28,1 |
FN |
10,3 |
22 |
16 |
41,1 |
5,7 |
19,1 |
Lecture : Dans les duels LREM contre LR au second tour, les candidats LREM ont obtenu en moyenne au premier tour 18% des inscrits, et 21% des inscrits au second tour, soit une progression de 3 points d’inscrits.
Quel que soit la couleur politique que LREM a eu à affronter au second tour des législatives, sa progression reste systématiquement marginale, hormis dans les duels avec le Front National. En 2012, les candidats de la majorité de François Hollande avait en moyenne progressé d’un tour à l’autre d’environ 6 points.
4 La France Insoumise rate le rendez-vous 2017
Jean-Luc Mélenchon, parti de 8 à 9% des intentions de vote à l’automne, obtient la quatrième place du premier tour de la présidentielle avec 19,6% des voix. La France insoumise (FI) pouvait donc légitimement avoir l’ambition de s’imposer comme étant la principale force de gauche à l’Assemblée nationale. Mais, avec 17 élus, la FI est deux fois moins nombreuse que le groupe socialiste et doit cohabiter avec les dix députés communistes contre lesquels elle n’avait pas présenté de candidats.
Le vote Mélenchon de la présidentielle était une coalition sociologiquement et politiquement très composite
Premier point, la candidature Mélenchon a attiré durant la présidentielle des catégories d’électeurs les plus sujettes à la démobilisation aux législatives et au vote intermittent : les jeunes, les personnes sans affinités politiques particulières, les ménages aux faibles revenus. A l’inverse, le vote Mélenchon a été particulièrement faible chez les inactifs, singulièrement chez les retraités, catégories qui pèse désormais très lourd dans les élections à faible taux de participation.
Catégories en % |
Participation au premier tour Présidentielle 2017 |
Participation au premier tour Législatives 2017 |
Mélenchon au premier tour Présidentielle 2017 |
France Insoumise au premier tour Législatives 2017 |
|
18-24 ans |
71 |
27 |
30 |
18 |
|
25-34 ans |
72 |
33 |
24 |
18 |
|
35-49 ans |
74 |
41 |
22 |
11 |
|
50-64 ans |
80 |
58 |
19 |
14 |
|
Plus de 65 ans |
86 |
69 |
11 |
5 |
|
Cadres |
87 |
49 |
19 |
7 |
|
Employés |
76 |
48 |
22 |
14 |
|
Ouvriers |
76 |
43 |
24 |
17 |
|
Retraités |
87 |
66 |
10 |
5 |
|
Proche de la gauche |
83 |
47 |
44 |
35 |
|
Sans proximité de parti |
57 |
25 |
23 |
12 |
Lecture : Au premier tour de la présidentielle 2017, 71% des 18-24 ans ont participé, et 30% ont voté pour jL. Mélenchon.
Macron, Mélenchon : l’attraction de l’anti-système avant l’orientation politique
D’autre part, d’après l’enquête électorale menée par le Cevipof durant toute la campagne présidentielle, l’électorat de Mélenchon était en réalité extrêmement composite. Ainsi, l’analyse des second choix révèle que 1 électeur sur 3 de la France Insoumise hésitait avec le vote Macron. Et qu’1 électeur sur 4 souhaitant voter pour Macron hésitait avec le vote Mélenchon. Deux données contre-intuitives du point de vue du sens politique, mais qui traduisent l’attraction avant tout pour la figure « anti-système » portée, certes de deux façons différentes, par E. Macron et JL. Mélenchon.
Facile conseils bilan des élections 2017